mardi 2 février 2010

De la liberté surveillée à la garde à vue

Effervescence médiatique autour du livre de Matthieu Aron « Gardés à vue ». Le journaliste de France Info y balance un scoop qui me fait sourire : les statistiques policières escamotent les gardes à vue « routières ».

On dénombre en France environ 900 000 GAV (gardes à vue) annuelles, et d’après l’enquête de Matthieu, une sur trois suivrait une « arrestation » routière. Or, ces stats seraient cachées par la puissance publique pour ne pas énerver des automobilistes et motards déjà à cran.
Une information précieuse certes, mais qui ne surprendra que les enfants abonnés à Okapi, les lectrices de Marc Levy, les Martiens ou les hypocrites. Cette info n’étonnera aucun citoyen affranchi. Ceux-là savent que l’emballement du processus de GAV résulte de la politique « routière » à la française.
Dès 2007 Airy Routier explicite ce « système répressif incontrôlé » et prédit l’actuelle situation délétère dans son livre : « La France sans permis ». Le rédacteur en chef du Nouvel Obs’ – dont le pamphlet fut frappé d’indignité par les bien-pensants de l’époque (quasiment toute la presse, déjà) - doit aujourd’hui se marrer en douce à l'évocation de cette « exclusivité » de Matthieu Aron qui semble faire redécouvrir l’eau tiède à tous les simplets du pays.
D’autant que dans « Radars le grand mensonge » j’en remets une couche au sein du chapitre « logique comptable et dégâts collatéraux », confirmant les inquiétants propos d’Airy Routier. Les agents de police interrogés (anonymement) pour les besoins de mon enquête, l’avouent : cette flambée des GAV abusives repose sur la politique du Chiffre imposée aux forces de l’ordre par Nicolas Sarkozy en 2002, sur le harcèlement fiscal et pénal des « usagés » de la route, dont le mitraillage des radars et sa surdélinquance dédiée : conduite en fausses plaques, conduite sans permis, délits de fuite, etc. Dans le chapitre « Police, la position démissionnaire » j’écris : « (…) notre police se concentre sur la délinquance molle, le citoyen motorisé et solvable : en 2008 près de 600 000 personnes ont été placées en garde à vue, c’est 1% de la population française (de + de 13 ans), et ce chiffre augmente encore cette année, tandis que l’IGS croule sous les plaintes pour bavure. ». Peut-on être plus clair ? J’y rappelle en outre que ce dévoiement du travail des policiers et gendarmes favorise la montée de la vraie délinquance. J’y montre pourquoi les statistiques gouvernementales ne sont plus crédibles, comment elles sont pipeautées. Et enfin j’explique que cette escroquerie d’envergure grimée en « sécurité routière » repose sur une manipulation d’opinion rendue possible grâce à la noyade des contre-pouvoirs en France. Bref, sur le sujet tout avait déjà été dit. Matthieu Aron a-t-il cité l'un ou l'autre de ces livres défricheurs dans son opus ? Parions que non, puisque selon son service presse "cette enquête est passionnante car elle évite le procès d'intention". Ha bon mais dans ce cas à quoi bon écrire un bouquin ? Matthieu aurait du faire photographe !
D’ailleurs ce soubresaut déontologique auquel nous assistons de la part des « grands médias » face à ces chiffres déments fait déjà pschitt. Aujourd’hui, retour à l’info, la vraie, à la française : petites phrases de politiques en guéguerre, suite moisie du procès Clearstream, le dernier livre sur Raymond Domenech, la mort du plus vieux chien du monde, la neige en hiver… le tout au milieu des habituels sondages idiots.


Les livres dont il est question :
La France sans permis, Airy Routier, Albin Michel, 2007
Radars, le grand mesonge, Jean-Luc Nobleaux, Tatamis 2009
Gardé à vue, Matthieu Aron, Les Arènes, 2010

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