lundi 5 avril 2010

Les pigeonniers de la République

Outre la multiplication annoncée des photomatons de la route, un autre type de radars-photos est mis en service cette année : les radars de feux tricolores. Plus utiles dans l’absolu que les flashes d’autoroute, ceux-là seront... camouflés. Et leur principe de laisser perplexe. Car ils promettent surtout de multiplier les situations scabreuses.

D’abord pour les motards et scootéristes, toujours plus nombreux dans le trafic de nos mégalopoles. Ils ne pourront plus remonter les files pour aller se positionner en tête de meute au feu - un réflexe de sécurité autant qu’une façon de s’extirper du flux des voitures. Avec la prolifération des radars de feux, les motards et scootards seront obligés de poireauter en fin de peloton, au risque de se faire compresser par un automobiliste étourdi. Et puis, entre les caisseux traumatisés par les flashes qui vont désormais piler à l’orange – une attitude contraire au Code de la route ! - surprenant les deux-roues qui suivent (notamment sur le mouillé), ou les voitures et camions lancés qui risquent de pulvériser les pauvres deux-roues ayant eux aussi brusquement freiné à l’orange, ces miradors électroniques risquent de photographier… de la charpie aux carrefours. A Los Angeles, au Nouveau-Mexique et à Winnipeg c’est déjà le cas. De sérieuses études montrent que les feux ainsi équipés provoquent plus d’accidents qu’ils n’en évitent.

D’autre part, ces stupides robots favoriseront les embouteillages en punissant les derniers automobilistes intelligents, ceux qui aèrent les carrefours congestionnés, en avançant depuis un feu rouge devenu inutile. Idem, comment faire lorsqu’un policier fera signe de passer pour dégager un carrefour ? Comment faciliter le passage d’une ambulance ou des pompiers ? D’autant que contester ces nouvelles prunes (135 euros, moins 4 points) est plus hard : en cas de condamnation on risque une suspension de permis de 2 mois, et une amende de 200 euros.

D’autres questions se posent…

La mise en service de ces quelque 150 radars de feux (pour commencer) est-elle adossée à un problème d’accidentologie identifié, issu d’une enquête sérieuse ? Non, d'autant que ces radars-photos n'étant pas signalés, on ne voit pas où est leur rôle préventif. Est-ce que des plantons feront le ratio entre « vies épargnées » et nouveaux cartons provoqués par ces radars imbéciles ? Non, toujours. Quid de ce piège bien français qu’est la longueur différente des feux orange suivant les endroits ? On ne sait pas. Ces cybermouchards – sans doute sous Windows Vista ! - se sont mis à délirer à Lyon, Marseille et Toulouse. Les automobilistes spoliés vont se plaindre où, sur casse-toi-pov-con.fr ?

Enfin quel est le rapport entre cette technologie lourde et compliquée (deux photos successives) mais inutile devant les principales causes d'accrochages aux carrefours : vélos s’en-fout-la-mort, piétons encapuchés, distraits ou survoltés, ou périlleux ballet des mendiants aux carrefours, par exemple à Paris ? Ne cherchez pas, aucun.

Alors la France, pays des débilités répressives ?

La vérité est ailleurs, dirait l’agent Scully. Officieusement, ces radars urbains - outre cette nouvelle preuve d'opportunité fiscale - auraient un but propagandiste. Ils seraient implémentés pour contrebalancer des statistiques navrantes, que tout le monde connaît : nos radars routiers sont en majorité positionnés comme des pièges à couillons, dans d’infinies et larges lignes droites, le plus souvent en pleine pampa.

Mais surtout, Nicolas Sarkozy, instigateur de notre système « radars », et connu pour son goût de la chose policière, pense à demain matin. Ces sales bestioles orwelliennes vont être « optimisées ». Elles pourront bientôt se doubler d’une caméra de vidéosurveillance capable de reconnaissance biométrique, du procédé LAPI (balayage automatique des plaques d’immatriculation), en attendant – pourquoi pas ? – le péage automatique et urbain.

En France, le mouchardage technologique est un secteur d’avenir.